Lorsqu’on évoque la routine, deux idées peuvent se présenter : celle d’un rituel assumé et réconfortant, ou celle d’une habitude imposée et pesante. Face à la contradiction apparente de ces deux interprétations, la notion de routine devrait plutôt se lire comme un curseur pouvant se déplacer sur une ligne reliant le rituel assumé à l’habitude pesante. En effet, la manière dont une routine se crée, ainsi que son objectif, influent considérablement sur notre aptitude à la vivre plus ou moins bien au quotidien et la considérer soit comme aidante soit comme contraignante. De plus, la notion de choix intervient également dans l’appropriation sereine ou non de l’habitude concernée ; plus on a l’impression de ne pas avoir le choix, plus c’est stressant.

Malheureusement, il arrive que nous poursuivions plus ou moins inconsciemment des processus routiniers alors que, en y regardant de près, ceux-ci nous limitent plus qu’ils ne nous libèrent. C’est là que la question mérite d’être posée : cette habitude me fait-elle du bien ? et si non, pourquoi la poursuivre ?… Le fonctionnement de base de notre cerveau (dit reptilien), et donc notre comportement, reposent avant tout sur notre survie et la sécurité dont corps et esprit ont besoin. Ainsi une habitude considérée consciemment comme « mauvaise » pourra perdurer car notre esprit inconscient et notre corps préfèrent entretenir cette stabilité apparente plutôt que d’affronter un possible changement qui mène à une gestion inconnue de l’émotion originelle. Car tout processus routinier part d’une émotion non assumée ou ressentie comme contrariante.
Par exemple : une personne n’acceptant pas son image corporelle ou le ressenti de son corps, pourra se mettre à faire du sport ou opérer un rééquilibrage alimentaire, et mettre en place une routine qui, si elle peut sembler pesante au début, est largement motivée par l’objectif de sortir de l’émotion gênante générée par son corps ressenti ou vécu comme « inapproprié ». Il s’agit là de la mise en place d’une routine assumée et motivante, ayant pour objectif une transformation physique et mentale permettant d’aller vers un mieux-être.
Autre exemple : une personne anxieuse, ayant besoin d’être extrêmement rassurée, pourra mettre en place bien malgré elle un processus de soumission à sa famille ou à son travail, quelle que soit la manière dont on la considère. La routine s’installe insidieusement dans le « laisser-faire », sur une émotion bien ancrée telle que la peur du rejet, la peur du manque ou la peur du changement. Il s’agit là d’une routine vécue comme imposée et pesante, même si la personne a parfois conscience de toutes les difficultés qu’elle représente au quotidien, surtout nerveusement ou émotionnellement.
C’est dans ce deuxième exemple que la routine finit souvent par être très mal vécue, sans pour autant que la personne sache comment sortir de ce cercle qui est depuis longtemps devenu vicieux. Burn-out, dépression, ou d’autres pathologies physiques et psychiques peuvent apparaître plus ou moins rapidement, plus ou moins fortement. Egalement, la capacité de l’être humain à somatiser ne doit pas être sous-estimée : nombre de zona, tendinites, arthrites, névralgies, problèmes digestifs, céphalées à répétition, etc, sont directement liés à des situations contrariantes vécues de manière récurrentes, c’est à dire des routines imposée et pesantes, du moins c’est ce que l’inconscient en pense… Or l’inconscient sait mieux que le conscient ce qui est bon pour nous ! Le malaise, la douleur, le surpoids, la dépression, entre autres, sont autant de symptômes extérieurs d’un combat intérieur entre ce qu’on est capable de s’obliger à faire par volonté extrême du type « non, je ne plierai pas ! » ou « non, ce n’est pas grave, je gère ! », et ce qui serait bon, agréable, naturel de vivre, de ressentir, ce vers quoi aspire toujours notre inconscient et chacune de nos cellules.
Prendre conscience que l’on vit dans ou avec une routine limitante est la première étape. Mais elle n’est pas toujours facile à franchir. Une fois cette « mauvaise habitude » identifiée, il est indispensable de se demander ce qui a conduit à la mettre en place, s’agissant souvent soit d’un choix qui a eu des conséquences inattendues, soit d’une compensation à une émotion mal vécue, soit d’un soi-disant « je n’ai pas le choix ! » équivalant à une soumission plus ou moins involontaire. Néanmoins le « pourquoi » contextuel importe peu, l’important est surtout de définir l’élément originel gênant, celui sur lequel il est nécessaire de travailler en coaching, en sophrologie, en hypnose, en psychothérapie…
Il est utile de conclure sur un point important de la routine : le confort qu’elle apporte. Ce confort, élément indissociable de la routine, comme indiqué plus haut, est le principal facteur qui la fait perdurer que cela convienne ou non. La zone de confort est renforcée et il est de plus en plus difficile d’en sortir au fur et à mesure que la routine devient inconsciente. Certes un rituel du matin du type gym/yoga-douche-petit déjeuner semblera positif et aura certainement des conséquences bénéfiques. Qu’en serait-il si on en changeait l’ordre, le rythme, le timing ? si pendant une semaine il était impossible de le poursuivre ? si une incapacité momentanée empêchait son accomplissement quotidien ?… Et si cette routine, même très positive, nous rendait inapte à voir autre chose, à envisager toute autre alternative ? par exemple un ami proposant une séance de piscine deux fois par semaine. Que répondre ? non merci, j’ai déjà mes habitudes et cela me convient bien ? alors que nager apporte également beaucoup de bienfaits différents de la gym ou du yoga…
Ainsi, même une routine assumée et positive peut comporter des inconvénients, celui du refus du changement, de l’absence d’envie de voir autre chose, de la limitation des autres possibles. Alors que dire d’une routine limitante dont on se rend à peine compte de l’impact au quotidien ?
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